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INTERVIEW de Serge Dupraz

Serge Dupraz, toi ton histoire ?

Je suis avant tout un passionné de sports en pleine nature, tout particulièrement de glisse ; j’aime glisser sur l’eau sur toutes sortes d’engins, pareil sur neige. J’ai toujours beaucoup pratiqué, ça fait juste totalement partie de ma vie, et ce depuis très jeune. Je vis en France qui est un pays absolument magnifique pour toutes ces pratiques et plus particulièrement dans les Alpes, des montagnes incroyables avec des lacs à proximité, une région bénie des Dieux…
Il s’est trouvé que j’aime bricoler, et j’aime bien de temps en temps perdre deux trois neurones à réfléchir aussi… comment faire mieux glisser cet engin, plus vite, en forçant moins, comment se faire encore plus plaise, le partager, faire profiter de mes cogitations et réalisations…
C’est pour ça que de fil en aiguille de très jeune régatier pendant des années en dériveur,  je me suis éclaté en planche à voile dès 75 et retrouvé apprenti shapeur de custom windsurf sur la North Shore d’Hawaii en 1980…
La suite s’est enchaînée de façon très naturelle : premier atelier français de custom windsurfs sous la marque “Hot Windboards”, très vite fabriqués avec 100% des matières premières importées directement de californie,  top shapes world level pour une clientèle suisse aisée mais exigeante. Les étés à shaper, les hivers à hawaii, jusqu’à ma découverte du snowboard l’hiver 83-84. Et là, direct j’en ai fabriqué. La marque ? – simple : “Hot Snowboards.”

Hot snowboards ? – Naissance

La short story : contrairement à Burton Sims et d’autres j’ai commencé par faire des grands swallowtails avec longue spatule pointue et long nose rocker tout simplement parce que je voulais avoir des sensations de surfer la neige, et à l’époque on ne sortait les snowboards que les jours de profonde. C’était de très loin ce qu’il y avait de plus efficace comme type de shape pour lâcher les chevaux les jours de pow et fumer nos potes monoskieurs… ;-).
Puis très vite le besoin d’en faire plus, de jouer avec nos engins même sans poudreuse, j’ai voulu retrouver les appuis que j’adorais ressentir en windsurf dans mes séries de virages “gybes” sur le spot des Mokulua islands à Kailua…
Perte de neuronnes, protos avec carres, le One Sixty est né en production de série en 86, et avec lui le carving. Objectifs atteints: non seulement le plaisir de pouvoir snowboarder même sans neige profonde, mais surtout le bonheur de ressentir ce puissant appui quand on est en équilibre sur sa carre, de pouvoir couper la neige ou la glace, de prendre des G dans les jambes, d’enchainer desvirages super propres, de parfaitement contrôler sa courbe… une pure révolution dans le snowboard, une innovation majeure reprise bien plus tard dans le ski…
J’ai ensuite sorti justement le Révolution qui lui permettait d’effectuer des courbes extrêmes à grande vitesse. Je suis très fier d’avoir crée cet engin sur lequel Serge Vitelli a donné naissance à ses fameux Vitelli turns ! En parallèle j’ai lancé le premier Team au monde de riders coachés à l’année, avec un coach formateur à l’ENSA : le Hot Pro Team. Nos gars ont juste raflé tout ce qui pouvait l’être au niveau mondial, fumé toutes les stars américaines ou européennes, on a monté la barre d’un cran, haute, très haute… en 89 lancement du “Logical”, premier snowboard “full asymétrique”, Burton a mis plusieurs saisons avec son PJ pour arriver à quelque chose qui s’en rapprochait…
En parallèle les hivers sans neige, pleins de clients en faillite, j’ai conclu une licence de marque avec mon producteur qui s’est mal passée, very bad trip : je me suis retiré du marché.

Renaissance avec Dupraz ?

Le dernier snowboard que j’ai conçu pour la saison 90/91 de la première période Hot Snowboards est un modèle que j’ai appelé “Le Plus”. Son programme ? être performant sur piste et en hors piste. Il était asymétrique, avec une spatule plus longue que les boards alpines. J’en parle pour faire comprendre que je ne me serais jamais laissé “enfermer” dans l’Alpin avec Hot, et que peu après avoir conçu l’incroyable snowboards full asymétrique qu’était le “Logical”, je lorgnais un cran plus loin, des contrées qu’aucune marque n’explorait encore, ma vision du snowboard pour le futur…
C’est exactement le programme de la D1. Avec un shape parfaitement abouti parce que j’ai remis à plat absolument tous les paramètres qui composent un snowboard, pour obtenir cet engin qui balaie la notion même de polyvalence : un engin performant dans toutes les conditions de neige. C’est ce que je souhaitais en tant que rider, car comme beaucoup je ne trouvais plus chaussure à mon pied. Le marché mondial s’était fait ‘laminer’ par une vague freestyle très “skate à la neige” venue des US. J’ai le plus grand respect pour le freestyle et les freestylers, mais quand toute une industrie raisonne comme si 90% des snowboarders envoient des gros tricks dans les parks dans les pipes ou sur les big airs alors que pour de vrai ils sont moins de 5% à pouvoir faire ça, quand on oublie un des fondamentaux du sport, à savoir le bonheur de rider en profonde, quand ce sont les chefs marketing qui développent des gammes énormes et débiles pour faire facilement du fric en ne réfléchissant plus au développement du sport basé sur l’observation de la vraie pratique dans la vraie vie, alors on se retrouve avec des boards peu performantes en pow, peu performantes sur neige dure, alors le marché se casse la figure…
Je voulais un snowboard qui nous comble tout d’abord moi et mes potes, par rapport à ma vision de la pratique du snowboard dans toute la diversité de nos montagnes. Quand je suis arrivé au concept final de la D1 pendant l’hiver 2002/2003, j’étais persuadé que cette board apporterait un souffle nouveau dans la pratique de notre sport, à toute l’industrie du snowboard et à quasiment chaque snowboarder.
C’est exactement ce qui se passe depuis son lancement et qui s’accélère en ce moment.

Pourquoi ce shape ? (ou cette forme)

La D1 est le fruit d’un pari fou qui a consisté à créer un snowboard à la fois monstre performant en neige profonde, et monstre performant pour carver sur neige dure. Cela n’existait pas, les boards efficaces dans chacun de ces deux univers étaient très différentes. Pour corser le challenge j’ai tenu à rajouter non pas une mais deux cerises sur le gâteau : première cerise, que la D1 nous délivre de puissantes capacités de carving sans que le rider n’ait besoin d’un gros bagage de technique alpine et sans qu’il n’ait besoin d’une grosse condition physique… à l’opposé des aptitudes nécessaires pour être efficace sur une pure board alpine … 😉
Deuxième cerise sur le gâteau: retrouver les sensations originelles de surfer la neige qui ont été une des trois composantes de la création du sport.
Chaque composante du shape s’explique de façon parfaitement logique, chaque paramètre a son rôle à jouer et est précisément réfléchi et calibré dans cet assemblage qui constitue la D1. La forme de la spatule, sa pointe, sa forme de relevé autrement appelé “nose rocker”, sa hauteur maxi, la largeur maxi à l’avant, la forme unique de la ligne de carres, le sidecut ou ligne de carres qui n’est pas simplement l’arc d’un grand rayon mais est constitué d’un assemblage de courbes de rayons négatifs et positifs, la largeur du tail et donc le pintail, son relevé, le cambre avec ses valeurs et son positionnement, les positionnements des inserts et leur nombre… je ne vous décrirai pas ici tout ce qui concerne l’assemblage des matériaux et leur choix où là aussi des choix originaux ont été faits. Chez Dupraz rien n’est laissé au hasard; le savoir faire est le fruit de 40 ans d’expérience d’un shaper pionnier du snowboard. Shaper est un Art, la D1 en est la quintessence.

A priori tout cela est plutôt aquatique ?

Bien sûr que tout cela est aquatique, mais pas que… en partie uniquement. Tout d’abord n’oublions jamais une réalité physique : la neige c’est effectivement de l’eau, simplement à un autre état.
La particularité de la D1 c’est qu’en plus d’être conçue en utilisant des paramètres aquatiques pour être une arme fatale en poudreuse où au final en forçant moins on accélère plus fort, on a plus de sensations on se fatigue moins et on fume les potes, et bien elle est aussi conçue pour être une carving-machine même sur piste glacée !
Cela implique de mixer et d’imbriquer tout cela avec des flexs, des torsions, des lignes de carres creusées, toute une série de paramètres qu’on n’utilise pratiquement pas dans les shapes de boards aquatiques.

Le marché s’inspire-t-il de tes concepts ?

Evidemment, cela saute aux yeux. Année après année des marques anciennes ou nouvelles proposent sur des shapes inspirées des D1. Il est important en tant que client de regarder d’où vient cette marque qui vous tente… quel est son passé, qu’est-ce qu’elle apporte au sport, (peut-être rien d’autre qu’un emballage marketing en profitant du travail d’autres qui eux font avancer le sport et sa pratique), que sont ses valeurs constatées par des faits ? Ses choix de lieux de production par exemple : pays démocratique ou pas, quelle est la protection réelle des travailleurs qui produisent ces engins de glisse, impact environnemental lié aux transports de matières premières et produits finis, … etc.
Que prônait comme indispensable comme ultime snowboard cette marque il y a quelques saisons ? Des reverse cambers ?… 😉 Quelle est la vision de cette marque sur la pratique du snow, y en a-t-il une ? Quelles sont les gammes, le nombre de modèles ? Etes vous sûr au final de n’être pas qu’un consommateur à qui cette marque s’acharne chaque saison à vouloir vendre un consommable ?…
Vous l’avez compris, chez Dupraz nous ne sommes pas dans le “blabla marketing”, pas plus que dans le “greenwashing”, et encore moins dans le plus récent “values washing” … pas de compromis chez nous mais des choix forts clairs et assumés.C’est super cool d’inspirer tant de monde dans ces différents domaines, d’avoir toutes ces marques qui sont nos “followers”… ;-).
Le plus fou, mais pure réalité, c’est qu’aujourd’hui encore, cet hiver 2020/2021 la D1 n’est pas égalée.  Aucune board du marché chez aucun fabricant ne délivre tout ce qu’une D1 vous délivre comme performances sensations et émotions. Ce printemps dernier j’ai personnellement testé de nombreux modèles 20721 dans les marques leaders du marché, et je vous l’affirme sans aucun détour, il n’y a pas photo, vous pouvez me faire confiance et commander votre D1 les yeux fermés.

Le carving et la poudre en fait , c’est la base ?

Comment toutes les marques de snow au monde ont-elles pu s’éloigner pendant presque 20 ans jusqu’à les oublier ces deux fondamentaux du snowboard que sont le bonheur de rider en poudreuse et celui de conduire de belles courbes ?
Voilà une question intéressante qui mérite d’être posée… Business first, on ne se pose pas de questions ou on ne sait pas poser les bonnes… Oui, bien sûr, le carving et la poudre, la poudre et le carving, c’est la base. L’engin qui permettait d’exceller dans ces deux domaines n’existait pas, j’ai phosphoré pas possible pour avoir le plaisir de le créer, avec – cerise sur le gâteau et c’était un objectif –  une vraie sensation aquatique de surfer la neige… Reconnexion aux origines et ouverture du sport vers un nouveau futur… que du bonheur !

Grâce à toi les français, sont-ils pionniers en la matière ?

Oui, pionniers et influenceurs pour nombre de marques étrangères, y compris américaines ou japonaises. Contrairement à ce qu’on peut croire, il y a pleins de choses sur lesquelles ces pays nous copient. Pour ma part j’ai par exemple eu un rapport tout à fait particulier avec Jake Burton : Je ne me suis jamais inspiré de quoi que ce soit dans tout ce qu’il a réalisé dans le snowboard. C’est même exactement l’inverse qui s’est produit dans les années 80 :  Jake essayait de suivre les innovations et choix que je prenais avec Hot à cette époque où nous avons propulsé le snowboard comme nouveau sport d’hiver possible. Quelques mois avant sa disparition j’ai eu le plaisir de le rencontrer à nouveau après plus de 30 ans, et de vivre une très belle scène très touchante ou en me prenant dans ses bras pour un méga big-hug sous les yeux de sa femme et de Terje Haakonsen, il a crié : ooohhh Seeergee ! you gave me sooo many nightmaaaares !!! (Serge, tu m’as donné tellement de cauchemars !!!)… 
Jake ne m’en voulait pas et bien au contraire, nous savions tous les deux que si je l’ai challengé au point de lui donner de si nombreux cauchemars, c’était avant tout pour faire avancer le sport et notre passion commune… 😉 R.I.P.  my friend.

Sans parler de cette crise, comment vois-tu ton futur ? ou le futur du snowboard ?

Comme expliqué plus haut, je vois pour le snowboard un avenir prometteur, avec plus de riders qui pourront s’exprimer avec bonheur dans toute la diversité de la montagne, que ce soit sur pistes ou en hors pistes. J’ai dédié des décennies au snowboard dans une démarche passionnée et généreuse. Je n’ai aucun doute que ce travail de longue haleine mené avec enthousiasme persévérance et sans compromis sera récompensé… je pourrai alors en délivrer les secrets pour les transmettre, et aider ceux pour qui la vie est trop difficile ; -) J’aimerais qu’on sorte de la spirale de destruction de notre planète dans laquelle nous sommes engagés. Chacun de nous peut faire sa part, Dupraz a réussi un challenge incroyable qui dans la situation actuelle a tout son sens : Le meilleur des déchets est celui qu’on ne produit pas. Plutôt que d’avoir un quiver de trois ou quatre snowboards tel qu’il le fallait pour s’adapter aux conditions de neige et de pratique, et bien concevoir mettre au point et proposer une board qui amène une énorme performance dans tellement de conditions était la meilleure chose que je pouvais faire pour respecter Mère Nature. Un produit qui est bien fabriqué, qui dure dans le temps, un de ces objets auquel on s’attache très fort pour de nombreuses années, qui nous marque et qu’on n’oublie jamais plus…
Soyons responsables dans nos choix, sensés donc avec du sens, et si possible du bon sens…

A priori le Vieux a toujours proposé tes planches ?

Oui, le lien est maintenant très solide ; les vendeurs du Vieux savent qu’ils rendent leurs clients plus qu’heureux quand ceux-ci achètent des snowboards Dupraz. Tout cela a parfaitement du sens, car à chaque vente de nos boards ils éprouvent eux aussi la satisfaction du travail bien fait de prescripteur technique. Ils savent à quel point la D1 va surprendre en bien celui qui suivra leur conseil d’achat. C’est au final un superbe cercle vertueux ;-).

 

 

 

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