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Cap sur le pôle sud

Conseiller dans notre boutique de Thonon-Les-Bains, passionné de sports nautiques et de voile, c’est Manu ! Il nous avait déjà raconté ses aventures au Bol du Mirabaud l’an dernier… Aujourd’hui, il nous parle dans son expédition en Antarctique à bord du Nomad IV… 

30 heures de voyage plus tard, j’arrive à Ushuaia… Le bateau est beaucoup plus gros que dans mon souvenir… Et mes premières pensées sont du genre : “mais dans quelle galère je me lance ?” 30 mètres de long, 1m50 plus haut que le quai, la bôme mesure 13 mètres, le mât est à 47 mètres au dessus de l’eau, 8m50 de large… Le bateau est énorme, il respire la puissance ! Et là je me dis qu’on part pour l’Antarctique avec, passer le Cap Horn, faire le passage de Drake qui est un des coins les plus mal famés à naviguer au monde, avec ce bateau là… Et là, vraiment, je me redis : “mais dans quoi je me lance ?”. Heureusement, j’avais déjà traversé l’Atlantique avec parce qu’en toute honnêteté… je me serais fait du mouron !

Et l’aventure commença… 

Deux jours plus tard, le bateau est en configuration. Pendant ce temps, on en profite pour faire le plein de vivres et de gasoil (3500 litres et 2 x 900 litres stockés sur le pont). On vérifie les annexes, les moteurs hors bords et tout le reste… et quand tout est ok, on met les voiles sur le Pôle Sud ! On fait notre tout premier arrêt dans le canal Beagle pour laisser passer une dépression avec 50 nœuds de vent, puis on descend plein Sud. Par chance ça se calme un peu, il n’y a pas trop de vent : environ 11 – 12 noeuds… Mais pour le coup avec ce voilier, c’est aussi la vitesse du bateau… On met donc 2 jours et 8 heures pour arriver de nuit dans l’archipel Melchior”.

Manu poursuit : “Pour se protéger des gros glaçons (20 à 30 cm) et notamment protéger la coque carbone (peau extérieure de 1,5mm), on installe les protections autour du bateau avant de redémarrer. Pour les plus gros, on essaie tant bien que mal de les repousser le plus loin possible du bateau et on avance tout doucement, à 2 noeuds. Pour la petite anecdote, on croise Christophe Augain, triple vainqueur du Boc Challenge (tour du monde en solitaire), qui repart à Ushuaia, avec son voilier, signé du même architecte que le nôtre, Finot-Conq… Et nous, on a même la chance de les avoir à bord avec nous nos archis ! Pour revenir à Christophe, on se promet un apéro à notre retour à Ushuaia, un sacré personnage celui-ci…”

Revenons-en à cette expédition hors du commun : “Le lendemain matin, on protège de nouveau la coque de la glace ! Il faut bien savoir qu’une peau de 1,5 mm d’épaisseur, les chocs, c’est pas vraiment son truc… Pour installer ces protections, il nous faut bien une journée entière ! Le vrai grand départ se fait donc le lendemain à 7h30. Un petit tour en annexes autour nous permet de visiter un peu l’endroit, c’est incroyable ! Et un iceberg nous joue des tours derrière nous alors on fait des quarts de nuits au mouillage pour la glace… D’ailleurs, on se dit très vite qu’on le fera probablement toutes les nuits.

 

Et le périple continua… : “On descend le canal Gerlach dans le brouillard, il y a de la glace, beaucoup de glace ! On navigue à 1 noeud et on pousse sur les blocs gros de presque 1 mètre en se demandant si on va réussir à passer, alors qu’on vient seulement d’arriver ! On rentre ensuite dans le Chenal Neumayer avec là aussi, énormément de glace. Ici, on croise un paquebot ravi qu’on lui explique les conditions avant qu’il l’emprunte à son tour. Bizarrement bien que le canal soit plus étroit, il est plus facile à passer. À 17 heures, on arrive à Port Loctroy… Cette base est connue notamment pour son service postal, son musée et son bar ! Et à 2 heures du matin… alors que je dors “paisiblement”, on me sort de ma couchette. 15 minutes plus tard, me voilà sur l’annexe en train de pousser un iceberg au moins 3 fois plus lourd que le bateau qui arrive, avec la marée, droit sur le voilier ! Ça bouge, mais lentement… Le mouillage étant intenable, on décide de ressortir puisqu’il commence à faire jour. Il est 3 heures du matin… Cette fois-ci, on part en direction du canal Lemaire, « Kodak Channel » pour les professionnels, un détroit superbe. On y arrive sur les coups de midi mais la quantité de glace nous oblige à faire demi tour à 500 mètres de l’entrée. On décide donc d’aller mouiller à un autre endroit : à Port Charcot. Mythique, le célèbre Jean-Baptiste Charcot avait hiverné 2 fois ici avec son 3 mâts. On mouille donc à l’endroit exact de son bateau avec 2 amarres à terre. Ici, c’est certain, on est à l’abris ! On part visiter les pingouins, oups, les manchots (les français sont les seuls au monde à les distinguer au niveau du nom…). On monte ensuite au mausolée Charcot : Waouh, quelle vue incroyable ! Devant nous, un cimetière d’icebergs, où ils sont poussés par les vents et courants et restent échoués. Ils peuvent rester ainsi à fondre pour encore une bonne centaine d’années… Grâce à cette vue, on découvre au loin l’autre entrée du Lemaire. Le lendemain, avant de filer vers cette deuxième entrée, on est rejoint au mouillage par un autre voilier, ancien voilier de course de 22 mètres, “Fernande”, qui parait tout petit à côté de nous… 

Direction le Lemaire… 

“On repart donc vers le Lemaire, on cherche notre route et on arrive à rentrer dans ce fameux canal : plus une seule glace !  Le soir d’avant, un coup de vent annoncé à 25-30 nœuds a tout dégagé, on passe facile ! On décide ensuite d’aller à Paradise Bay. Sous le soleil qui s’est levé et 20 nœuds de vent arrière, on n’hésite pas, on file dessus ! Au dernier moment la vigie voit un passage de glace sur la route, on se met au ralenti pour baisser les bâches mais le vent est plus fort que nous, il nous pousse et on rentre dedans… On arrête le bateau à 1 mètre d’un bloc de 5 mètres de diamètre, OUF ! Marche arrière ? Loupé ! La glace de derrière arrive sur les safrans, on est bloqués ! Je suis seul sur la perche pour essayer de pousser le gros bloc mais c’est déjà trop tard : on rentre dedans, on passe limite en force. Vu les coups qu’on vient de prendre, on décide de faire demi-tour et on part s’abriter à Security Bay, une sorte de Rondinara en glace, à la sortie du Neumayer. Notre mouillage est idyllique, on file faire l’inspection de nos péripéties… Hallelujah ! Un enfoncement mais c’est tout, quel soulagement ! La nuit est sereine et le lendemain on repart pour Paradise Bay, très connue pour son hotspot de biodiversité, et plus particulièrement les baleines.” 

Une rencontre hors du commun… 

“Soleil et vent, on met 5 heures à y aller et surprise :  un pod d’orques nous rejoint, ils jouent avec le bateau pendant 5 minutes… Magique ! On visite la base Argentine Brown, puis on repart. On met les voiles pour le fun dans la baie, c’est vite physique, les virements s’enchaînent et aux bastaques c’est compliqué ! Selon nos archis, tu dois reborder la bastaque au vent avec les seuls winchs non-hydrauliques, sinon le bateau risque de se casser en deux… et surtout de l’autre côté tu la ramènes avec tout le mou aux haubans, en bref tu reprends 60 à 80 mètres de mou au winch car c’est lourd.”

Retour au bercail !

“Il est 8 heures du matin et on repart dans le Gerlach pour rejoindre notre point de départ : les Îles Melchior. On avance toute la « nuit » et au petit matin on mouille enfin. Il nous faut une journée pour mettre le bateau en ordre pour repartir. On enlève toutes les protections et on se prépare au mauvais temps : normalement il devrait nous rattraper là où on ne veut pas, au Cap Horn…

Le soir même, on met les voiles à 8 heures. On part avec un ris dans la grande voile, il y a 15 nœuds de travers et les vagues de face mesurent environ 3 mètres… Le bateau est à 12-13 nœuds, ce n’est pas confortable ! À chaque vague un peu plus grosse, tu as l’impression qu’un 18 tonnes te rentre dedans… Le bateau s’arrête brutalement, se met en vibration à tel point que les plafonds clipsés tombent, c’est impressionnant ! Sur le pont tu vois les étais et les haubans relâchés, ce n’est pas courant et en toute honnêteté, un peu flippant !

Au bout d’une journée, la mer se calme, le vent aussi. Deux heures de moteur puis le vent rentre à nouveau vers 20 nœuds en plein travers sur une mer quasi plate… Là on s’amuse, 4 ou 5 heures à 14-15 nœuds de moyenne, pointe à 19.7 alors qu’on s’apercevra plus tard que la baille à mouillage est remplie d’eau : 1 tonne au moins à l’étrave du bateau… Sacré engin ce voilier !

On passe le Cap Horn de nuit à 2 miles sous code 0 à 11 noeuds dans 9 noeuds de vent… autant vous dire que ce n’est pas courant ! En revanche, le mauvais temps nous colle aux basques, à peine à 2 heures derrière nous… On contourne et on remonte au moteur face au vent pour se cacher et arriver le lendemain matin à Porto Toro, au Chili, le village le plus au sud du monde… C’est un village aussi joli que désert ! D’après Léo notre équipier, une dizaine de famille y habitent à l’année : on y croise une mère et ses 2 garçons sur un quad.

Le lendemain, une fois notre problème d’entrée d’eau dans la chambre des machines réglé (récurrent depuis l’arrivée en Antarctique, la bague hydrolube est fendue, un joint mal posé au chantier, bref c’est un peu limite…), on fonce à Puerto Williams pour les formalités. On va mouiller un peu avant Puerto Harberton, la baie est superbe et c’est la première ferme a avoir été montée en Patagonie ! 

Le lendemain, retour à Ushuaia… Cette fois ça y est, on a terminé notre expé !

Le mot de la fin…

Manu conclut : “Je dois dire que tout n’a pas été tout rose ! Au départ, on a eu le désalinisateur : l’eau dans la chambre moteur qui nous a obligé à sortir aux seaux l’eau rentrée et limité la vitesse au moteur. Puis une fuite d’hydraulique sur l’enrouleur avant… Bref, c’était quand même pas que de la croisière avec un verre à la main, mais en toute franchise, j’y retourne sans hésiter ! 

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